lundi 1 avril 2024

La réalité augmentée en médiathèque en 2024

J'ai animé en mars 2024 une journée de formation pour le CNFPT Pays de la Loire ayant pour thème "La réalité augmentée en médiathèque : médiation et usages" (vous en trouverez le support sous ce lien). Les 3 mots que j'utiliserais pour définir cette journée sont "Tristesse, intérêt et créativité", dans cet ordre. Voilà pourquoi :

Tristesse !

La question m'a été posée dés le tour de présentation des stagiaires :"Quand j'ai dit le thème de formation à mes collègues, ils étaient étonné car la réalité augmentée, c'est has been comme sujet un peu. J'espère que tu vas nous démontrer le contraire ?" Ma réponse a été : "Joker !".

C'est un fait, le sujet de la réalité augmentée en médiathèque n'est plus une nouveauté. Nous avons tous testé les coloriages augmentés sur Quiver, Wakatoon ou Blinkbook pour des animations jeunesse et nous sommes extasiés devant les histoires animées de Chouette et Copains, parues chez Albin Michel.

Malheureusement, la collection Histoires animées n'est plus disponible sur les stores d'application, tout comme Matières noires de Sylvain Monney et la moitié des applications de ce genre. Tristesse !

En effet, les éditeurs ne peuvent que constater que les livres liés à des applications de réalité augmentée ne se vendent que très peu. Aussi quand les stores font des mises à jour évolutives, ces mêmes éditeurs ne voient pas l'intérêt d'investir pour mettre à jour une application qui n'est pas, ou peu, téléchargée.

Pour l'instant, Blinkbook propose un catalogue d'histoires animées large et intéressant, mais pour combien de temps encore l'application sera t'elle disponible ? 

La mode est aujourd'hui vers la réalité mixte, qui marie réalité augmentée et réalité virtuelle, à l'exemple du casque d'Apple, le Vision Pro, mais n'est pas encore à portée de main (une question de prix) et est très individuelle, là où l'on peut se retrouver à plusieurs derrière une tablette ou un smartphone.

Intérêt ?

Quiver est un très bon exemple de l'effet Wahou de la réalité augmentée : vous imprimez un  coloriage sur leur site, les enfants le colorient à leur goût et quand vous le scannez avec l'application, le dessin prend vie. C'est fascinant, c'est amusant... une fois. Si vous reproposez la même animation aux mêmes enfants la fois suivante, l'effet de surprise passé, vous constaterez que l'application aura perdu son intérêt auprès des enfants.

La question de l'intérêt de la réalité augmentée est essentielle, comme à chaque fois que nous utiliserons un outil numérique : qu'est ce que la technologie m'apporte ? qu'est ce qu'elle me permet de faire que je ne pourrai pas faire sans elle ? Quel est son apport ?

En médiathèque spécifiquement, l'application Biblioquête, développée par France TV Storylab,permet de retracer l'imaginaire littéraire de Thimothée de Fombelle, auteur à succès de romans jeunesse. Les enfants de 8 à 12 sont invités à découvrir, par le biais d'un jeu de pistes à découvrir des ouvrages classiques et contemporains au travers de séquences animées qui surgissent au cœur même des livres. 
Les bibliothécaires qui l'ont testé ont trouvé le dispositif intéressant, mais regrettent que les livres présentés ne soient pas toujours du niveau des enfants, cœur de cible de l'application.

Sur une application comme Birdie Memory, l'apport est assez évident et efficace : passer le smartphone ou la tablette devant un oiseau dans le livre, le poster ou l'exposition déclenchera le chant correspondant. C'est ludique et pédagogique.

 L'utilisation du Merge Cube est également pertinente, elle permet de bien visualiser des éléments, comme s'ils évoluaient au creux de notre main. Des établissements scolaires l'utilisent par exemple dans le domaine des sciences : la dissection de la grenouille peut être évitée car l'outil montre de façon précise sa constitution. Mais ce service a un coût important : passé les 14 jours d'essai, un abonnement onéreux est demandé pour continuer à utiliser les différents modèles ou créer les siens.

Enfin, l'utilisation de la réalité augmentée est intéressante quand elle est un élément permettant de développer la créativité. J'ai plusieurs fois eu l'occasion de reproduire, dans des conditions différentes et avec mes capacités, l'expérience menée par l'artiste Waii Waii, intitulée Rêveries augmentées. Alliant dessin, création sonore, stop motion et réalité augmentée, les participants sont impliquées et initiés à toutes ces techniques.

 

Résidence "Rêveries Augmentées" avec Waii-Waii & les élèves de Janzé

La question du coût est cependant devenue un réel problème dés qu'il s'agit de créer du contenu original ou de qualité. Ainsi, pour créer des objets en réalité augmentée, j'utilise souvent Artivive, par exemple à l'occasion de séquences d'escape game. L'outil est simple à prendre en main et efficace. Mais la version gratuite ne permet de créer qu'un objet en réalité augmentée par compte, qui ne peut être activé que 50 fois par mois. De plus, toujours dans la version gratuite, le seul contenu qui puisse être projeté est une vidéo. Pour des contenus 3D, il faut passer par la version payante, onéreuse pour une médiathèque. 

Créativité !

Lors de cette formation, j'ai présenté des applications utilisant la réalité augmentée, mais qui ne sont pas forcément présentées comme telle. Ainsi, Art filter, de Google Art et Culture, permet à chacun de prendre place au sein d’œuvres iconiques, comme La jeune fille à la perle de Johannes Vermeer, l'Autoportrait au singe de Frida Kahlo ou l'Autoportrait de Vincent van Gogh.

A l'occasion d'une activité de groupe, des stagiaires de la formation ont proposé une action de médiation qui m'a enchanté : Sur le principe de l'émission D'art d'art, utiliser cette application pour demander aux élèves, lors de séances d'accueil de classe, de faire parler des œuvres d'art, en se filmant puis en montant les vidéos.

Le projet nous a enthousiasmé et je l'ai proposé à la responsable d'action culturelle d'un institut sur mon territoire.

En résumé, la réalité augmentée n'est pas la panacée, ses applications peuvent vite être obsolètes ou coûter chers (tristesse). Mais son utilisation peut être un vrai plus pour des animations culturelles, à condition d'apporter un vrai plus, d'avoir un réel intérêt. En fait, comme pour tout outil, cette technologie ne sera que ce que vous en ferez, à vous de faire jouer votre créativité !